Pour ceux qui ne le connaisse pas, Gabor Maté est un médecin canadien. Il est né en Hongrie en janvier 1944 dans un ghetto. Il a travaillé comme généraliste, puis en soins palliatifs et enfin il
est devenu un spécialiste de l'addiction.Je l'ai découvert en 2021, dans une vidéo intitulée 'Wisdom of trauma' dans laquelle il explique ce qui se cache derrière l'addiction.
Gabor Maté s’intéresse très fort aux liens entre le corps et l’esprit, entre les traumatismes de l’enfance (petits ou grands) et leur impact sur le développement psychique, psychologique,
émotionnel. Notre manière d'appréhender le monde va influencer sur la biochimie de notre corps et peut donc avoir un impact sur notre santé
physique.
Tout ce que Gabor Maté écrit est rempli de compassion. Cet homme est d’une profonde humanité et ce qu'il écrit permet de mieux comprendre notre fonctionnement en tant qu'être humain composé d'un
corps, d'un esprit et oserai-je écrire, d'une âme.
Dans « When the Body Says No », il écrit : « Candace Pert, un éminent chercheur américain a écrit que « la division conceptuelle entre les sciences de l’immunologie, l’endocrinologie et pscyhologie/neuroscience est un artefact historique ». Aujourd’hui, on parle du concept de psychoneuroimmunoendocrinologie pour exprimer l’interaction constante qu’il y a entre les différents systèmes qui maintiennent l’équilibre dans l’être humain.
Pour ce livre, il a interviewé une centaine de personnes souffrant de différentes affections (auto-immunes ou autres). Il nous parle de cancer (du sein), de sclérose latérale amyotrophique, de maladie de Crohn, d’arthrite rhumatoïde, … et à chaque fois, il cite des recherches qui constatent que chacune de ces affections semble se produire plus fréquemment chez des personnes avec un certain profil psychologique.
Ainsi pour le cancer du sein, il touchera très souvent des personnes avec un tempérament rationnel / anti-émotionnel. Dans la sclérose latérale amyotrophique on retrouve des personnes avec une très forte volonté, qui ignorent leur souffrance physique ou émotionnelle et sont d’une grande gentillesse, incapables de dire non.
Le Docteur Maté ne parle pas de trait de personnalité mais explique ce qui dans l’enfance de ces personnes les a incités à développer cette manière d’appréhender le monde. Si le parent n’a pas
été ressenti comme fiable, l’enfant pourra développer une tendance à ne compter que sur lui-même, à s’endurcir pour se protéger.
Il rappelle régulièrement que chaque parent fait ce qu’il peut avec ce qu’il a vécu ou reçu de ses propres parents…
Son livre illustre un fois de plus le propos que quand les mots ne peuvent se dire, ils se transforment en maux. Il insiste sur le caractère essentiel d’être en contact avec soi-même, son corps, ses émotions, ses ressentis. Il parle même, sous forme de boutade, de la puissance de la pensée négative comme antidote à l’optimisme aveugle.
Voici un extrait de son livre (traduit de l'anglais - page 244-245)
« Je crois dans la puissance de penser. Dès que l’on qualifie le mot penser avec l’adjectif positif nous excluons ces parts de la réalité que nous considérons comme négatives. Ceci est la manière dont la plupart des gens qui choisissent la pensée positive semblent fonctionner. Une pensée vraiment positive commence par inclure toute la réalité. Elle est guidée par la conviction que nous pouvons nous faire confiance pour affronter la réalité entière quoique que la réalité entière puisse se révéler être.
Comme le fait remarquer le Dr Michael Kerr, l’optimisme compulsif est une des manières d’attacher notre anxiété pour éviter de s’y confronter. Cette forme de pensée positive est le moyen de faire face de l’enfant blessé. L’adulte qui reste blessé sans en être conscient, transforme la défense résiduelle de l’enfant en un principe de vie.
L’apparition de symptômes ou le déclenchement d’une maladie devrait donner lieu à une double investigation : que raconte cette maladie à propos du passé/ du présent et qu’est ce qui va aider dans le futur? De nombreuses approches se focalisent exclusivement sur la seconde moitié de cette dyade de guérison sans considérer pleinement ce qui a amené en premier lieu à la manifestation de la maladie. De telles méthodes ‘positives’ remplissent des bibliothèques entières ainsi que les ondes (tv-radio).
En vue de guérir, il est essentiel de rassembler la force de penser négativement. Penser négativement n’est pas une vue pessimiste, plaintive qui parade comme du réalisme. C’est plutôt la volonté de considérer ce qui ne va pas. Qu’est ce qui n’est pas en équilibre ? Qu’ai-je ignoré ? A quoi mon corps dit-il non ? Sans ces questions, les stress responsables de notre manque d’équilibre vont rester cachés.
De manière encore plus fondamentale, ne pas poser ces questions est en lui-même source de stress. Tout d’abord, la pensée positive est basée sur une croyance inconsciente que nous ne sommes pas suffisamment forts pour faire face à la réalité. Autoriser cette peur à dominer engendre un état d’appréhension enfantin. Que l’appréhension soit consciente ou non, c’est un état de stress. Deuxièmement, un manque d’information essentielle concernant notre personne et notre situation est une des sources majeures de stress et un des puissants activateurs de la réponse de stress du complexe hypothalamus – glande pituitaire –adrénaline.
On ne peut être autonome aussi longtemps qu’on est guidé par des dynamiques relationnelles, de la culpabilité, ou des besoins d’attachement, la soif de réussite ou la peur de son boss ou la crainte de l’ennui. La raison en est simple : l’autonomie est impossible tant que l’on est piloté par quoi que ce soit. Comme une feuille emportée par le vent, la personne pilotée est contrôlée par des forces plus puissantes qu’elle. Son pouvoir autonome de décision n’est pas engagé même s’il croit qu’il a choisi son style de vie stressant et qu’il aime ses activités. Les choix qu’il pose sont attachés à des ficelles invisibles. Il est toujours incapable de dire non même à son propre dynamisme. Et quand finalement il se réveille, il secoue sa tête et semblable à Pinocchio, il dit ‘comme j’étais fou quand j’étais une marionnette’".
Hippocate disait déjà: avant de chercher à guérir quelqu'un, demande lui s'il est prêt à abandonner ce qui le rend malade